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  • Demain, un nouveau totalitarisme ?

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    De Gérard Leclerc sur le site de France Catholique :

    Le totalitarisme du XXIe siècle

    La déchristianisation de l’Europe (et celle des États-Unis que nous évoquions la semaine dernière dans le sillage de Rod Dreher) est souvent évoquée sur le mode d’un changement de paradigme et sous les couleurs d’un optimisme progressiste. En régime de démocratie pluraliste, la société permettrait la coexistence de toutes les conceptions du monde possibles. La régulation par l’État de droit nous protégerait de toutes les dérives, notamment grâce à la laïcité qui garantit la liberté de conscience. Mais cet optimisme pèche peut-être par manque de lucidité. Le XXe siècle ne vivait-il pas déjà dans la trajectoire des Lumières ? Cela n’a pas empêché la naissance du nazisme et du communisme stalinien. Au désenchantement du monde religieux peut très bien correspondre un réenchantement idéologique, avec le surgissement de ce que Raymond Aron appelait les religions séculières. Le XXIe siècle peut très bien produire les siennes, aussi redoutables que celles qui les ont précédées, en dépit de leur absence apparente de dimension guerrière.

    Chantal Delsol, dans un article remarquable du Figaro (16 octobre) vient de tirer la sonnette d’alarme, en attirant notre attention sur le néo-matérialisme scientiste en quoi consiste le dataïsme : «  Les chercheurs de la Silicon Valley, les artisans de l’Université de la Singularité attendent les lendemains qui chantent et même les considèrent comme un destin grec. Les data résument tout et réduisent tous les champs vitaux, sociaux, disciplinaires en un seul point : les algorithmes biochimiques ou physico-chimiques qui nous définissent.  » Les avancées vertigineuses de la technique nous placent sous l’empire de gigantesques données dont la gestion relève d’une raison purement calculatrice. L’humanité, dans cette logique, perd tous ses repères traditionnels, ceux que la philosophie et la religion lui conféraient, tels le libre arbitre, la réflexion sur les fins et sur les conduites morales. Tout cela serait dépassé dans le mouvement d’une transgression inévitable, celle du transhumanisme.

    La vogue d’un auteur comme Yuval Noah Harari [1] devrait nous alerter, tant elle est significative des dérives graves qui sont en train de changer nos conditions de vivre et de penser. Le déclin de la foi dans nos pays nous expose ainsi à l’expansion d’une gnose scientiste qui ne se contente pas de susciter un nouvel imaginaire avec sa propre eschatologie, car elle veut prendre possession de la terre entière, avec les moyens redoutables que lui confèrent les avancées de la technique et l’intelligence artificielle. Il nous faudrait un nouveau Gaston Fessard pour écrire le manifeste nécessaire contre ce totalitarisme qui s’en prend à notre âme, à notre liberté, à notre corporéité et à notre art de vivre.


    [1Auteur des best-sellers Sapiens : une brève histoire de l’humanité et Homo deus : une brève histoire de l’avenir (Albin Michel).

  • Le sommaire (et les liens) du numéro de La Nef d'octobre 2017

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    Sommaire du n°296 d'octobre 2017
    SOMMAIRE DU N°296 D'OCTOBRE 2017

    ÉDITORIAUX
    Un monde sans Dieu, par Christophe Geffroy
    Faut pas prendre les enfants du bon Dieu…
    par Jacques de Guillebon

    ACTUALITÉ
    François en Colombie : pour la réconciliation, par Yves Chiron
    Un livre pour mieux connaître François, par Christophe Geffroy
    Les droites en France : mirages et réalités, par Michel Toda
    L’Église et internet, par Pierre Mayrant
    Géopolitique d’abord : La France comme langue (2/2)
    par Paul-Marie Coûteaux

    ENTRETIEN
    Abbaye de Chevetogne, un pont entre Orient et Occident,
    entretien avec le Père Lambert Vos

    DOSSIER : LAÏCITÉ, LE POIDS DE L'HISTOIRE, LE DÉFI DE L'ISLAM
    Petite histoire de la laïcité républicaine, par Michel Toda
    Les rapports Église-État, par l’abbé Hervé Benoît
    Laïcité : où en est-on ?, par Christophe Geffroy
    Une laïcité à deux vitesses, par Matthieu Baumier
    L’islam et l’Occident, par Annie Laurent
    Un germe totalitaire, par Jean-François Chemain

    VIE CHRÉTIENNE
    Saint Jean Chrysostome : nul ne peut nuire…, par Yves Daoudal
    Question de foi : Depuis 30 ans…, par l’abbé Hervé Benoît

    CULTURE
    Julien Freund : le politique et la décadence, par Gilles Banderier
    Notes de lecture, chroniques musique, cinéma, sortir, jeunes, internet
    Au fil des livres : Un automne divin, par Philippe Maxence 
    Un livre, un auteur, entretien avec Christophe Dickès
    Portrait : Charlotte d’Ornellas, par Marine Tertrais
    Débats : Avortement en Irlande : un référendum à risque
    par Tim O’Sullivan
    Débats : Loi travail : Quel code du travail ?, par Joseph Thouvenel

    BRÈVES
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  • La "messe de Paul VI", une forme rituelle informe ?

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    Du site "paix liturgique" :

    LA MESSE DE PAUL VI, UNE FORME RITUELLE INFORME ?

    Élaborée dans le contexte théologique et des mentalités religieuses de la fin des années soixante, la réforme liturgique de Paul VI, n’a pas rempli, loin s’en faut, ses optimistes promesses. Mais si beaucoup conviennent aujourd’hui qu’elle a largement échoué, peu imaginent possible d'en dresser un bilan réaliste. Nous avons, pour notre part, ponctuellement procédé à l’analyse critique de certains des rituels de cette réforme : celui du baptême (voir notre lettre 413), celui de la confirmation (voir notre lettre 471), et celui des funérailles (voir notre lettre 443). 

    Nous voudrions appliquer ici notre examen au cœur de la réforme, à la messe promulguée par la constitution apostolique Missale romanum du 3 avril 1969. Bien d’autres l’ont fait avant nous, à commencer par les cardinaux Ottaviani et Bacci dans leur Bref examen critique du nouvel Ordo Missæ, en 1969 (nouvelle édition, Renaissance catholique, 2004), mais contribuer à une réactualisation de ces analyses alors que cette réforme va bientôt avoir un demi-siècle nous a paru opportun. 

    Nous y consacrerons une série de trois lettres, considérant tant l’aspect rituel, ou pour mieux dire a-rituel du nouveau missel – c’est l’objet de cette première lettre –, que son contenu proprement dit. Car l’examen du nouveau missel fait en premier lieu apparaître un aspect cérémoniel tout à fait étonnant : en comparaison de celle qui l’a précédée et des autres liturgies catholiques (les liturgies orientales, la liturgie ambrosienne, etc.), la messe romaine nouvelle n’est plus véritablement un rite. Elle est comme une forme sans forme.

    L’ensemble rituel du catholicisme s’était organisé au cours l’Antiquité chrétienne à partir de l’ordre du Christ : « Faites ceci en mémoire de moi ! » et des cérémonies de fraction du pain des communautés apostoliques. Entre le VIe et le XIIe siècle, les ordines romani témoignent du développement considérable du monde cérémonial au cours de l’Antiquité tardive et du Haut Moyen Âge, parallèle à celui du riche trésor de la catéchèse patristique des mêmes époques. Transmis par le Moyen Âge monastique et les cathédrales, cet héritage fut précieusement recueilli par la Rome de la Contre-Réforme. Ayant une conscience aigüe du fait que la liturgie, et très spécialement la liturgie romaine, véhicule une traduction concrète du dogme dans le domaine des sacrements et de la prière (lex orandi, lex credendi), une des spécificités de l'époque tridentine fut, dans le domaine du culte, la clarification et la canonisation de l’Ordo, soit, de l’ordonnancement des cérémonies.

    Au XXe siècle, un double mouvement de « retour aux sources » – c’est-à-dire d’une récupération supposée des formes liturgiques antiques par-delà les « ajouts » et « surcharges » postérieurs – et d’autre part d’adaptation aux temps présents s'en est pris au « fixisme » des règles liturgique, en même temps, d’ailleurs, qu’était attaqué le « fixisme » des formulations dogmatiques. Le soin méticuleux avec lequel les livres liturgiques traditionnels ordonnaient la liturgie dans leurs rubriques (indications concernant l’ordonnancement de la cérémonie imprimées en lettres rouges, rubræ) parut dès lors totalement désuet. L’explosion eut lieu en quelques années seulement. Dès les premières étapes de la réforme conciliaire de la messe, la créativité déborda : celle du sommet (la Commission pour l’Application de la constitution sur la liturgie) était surmultipliée par celle de la base comme l'illustraient parfaitement les fameux « nouveaux prêtres » de Michel de Saint-Pierre. Les modifications continues qui s’étagèrent de 1964 (instruction Inter oecumenici) à 1968 – pensons aux « rubriques de 1965 » tout de suite dépassées par celles de 1967 (instruction Tres abhinc annos) – donnèrent l’impression qu’en matière liturgique toutes les normes étaient évolutives. Sur quoi vint le missel de 1969, qui pulvérisa littéralement l’univers rituel ancien.

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