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Religieuses abusées : quel est l'objectif d'ARTE (et de la RTBF) ?

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De Jérôme de Lartigue et Jérôme Fouquet sur le site "Smart Reading Press" :

RELIGIEUSES ABUSÉES : ARTE VEUT-ELLE SECOUER L’ÉGLISE OU LA DÉTRUIRE ?

Rome selon le reportage sur Arte

L’émission d’Arte «Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Église», au-delà d’une compilation de témoignages saisissants, veut être la mise au jour d’un système organisé et porte une charge particulièrement violente contre le Vatican, accusé de favoriser une culture de l’impunité. Dépasser l’émotion légitime qu’elle provoque peut nous faire entrer dans une appréciation plus juste des responsabilités et nous aider à retrouver le vrai visage de l’Église.

C’est un nouveau pavé dans la mare que lance l’émission d’Arte Religieuses abusées l’autre scandale de l’Église, dont la diffusion a été largement relayée par les médias. L’émission choque, dégoûte, abasourdit, tant les témoignages donnés sont en contradiction avec la réalité de l’Évangile, dont le message a pu être dévié par des clercs à des fins égoïstes, perverses, voire pathologiques.

LE PIÈGE DE LA CULPABILITÉ

Ces témoignages portent sur des cas d’agressions très différents, tous abjects et inacceptables tant la dignité de la personne, la grandeur de la sexualité, la beauté de la vocation sont bafouées. Certains sont caractéristiques d’un abus de confiance et de pouvoir dans la direction spirituelle, qui a permis à l’agresseur de faire tomber petit à petit les défenses de la victime. Certains relèvent de la marchandisation organisée dans des institutions ecclésiales et d’autres de la réalité objective du viol.

Dans tous les cas, la honte, la solitude des victimes et la souffrance qu’elles engendrent nous sont présentées sans fard, de façon parfois tellement crue qu’il est difficile de prendre du recul et de ne pas tomber dans le malaise que ne manque pas de créer ce type de nouvelle et d’émission : à vouloir comprendre la réalité de la façon la plus complète, on en vient à penser qu’on trahit les victimes, qu’on n’a pas de compassion, qu’on excuse l’inexcusable.

On finit par se sentir fautif soi-même : fautif d’appartenir à une Église dont le péché de certains de ses membres en responsabilité serait en fait collectif. On tombe dans le piège de la culpabilité, celle-là même qui ronge les victimes de l’intérieur.

 

LES VICTIMES NE VEULENT PAS DU PARDON DES INNOCENTS

Le témoignage donné dans La Vie1 par un père de famille dont le fils a été abusé apporte une respiration, qui permet de remettre les choses en perspective : «Quand j’entends dire de toutes ces affaires “c’est un péché collectif”, je m’insurge. On passe d’une culture du silence à la culpabilisation générale. Ces prêtres [les autres] ne sont pas coupables des crimes de leurs confrères. Si en tant que père je m’en veux aussi de ne pas avoir pu empêcher ce qui s’est passé, je ne me sens en aucune manière coupable de la même manière que ce prédateur. Ces prêtres ne devraient pas non plus s’en sentir coupables. Pour ce qui est de la hiérarchie, je crains que cette nouvelle doxa ne soit qu’une nouvelle manière de ne pas assumer les choses. La hiérarchie de l’Église doit assumer individuellement ses fautes et ne pas les noyer dans une vague responsabilité collective… Les victimes ne veulent pas du pardon des innocents.»

C’est précisément ce que l’on peut reprocher à l’émission d’Arte : une forme de généralisation non objective qui, coup après coup, s’attaque à l’édifice tout entier pour nous expliquer qu’il ne tient pas debout, qu’il est vicié dans ses fondements, et même qu’il est sur le point de s’écrouler. Il n’est pas neutre que l’émission démarre à Rome et se termine à Rome : c’est à la tête que l’on s’attaque, le pape et tout le gouvernement de l’Église.

Les «fondements» en question de cette Église, on ne les trouve pas dans le témoignage des victimes, mais dans l’extrapolation faite dans les commentaires des journalistes d’investigation. Impossible de ne pas y voir une approche assez primaire, où l’image du prêtre qui nous est donnée est celle du mâle dominant consacré et intouchable dans son sacerdoce, face auquel la religieuse est une victime toute désignée.

Extraits des commentaires de la journaliste : « La loi des prêtres n’est pas celle du commun des mortels, l’impunité qu’ils s’accordent relève du droit divin. Dans leur mission céleste, certains d’entre eux instrumentalisent la Parole de Dieu et édictent de nouveaux commandements qui leur permettent de disposer de religieuses», car «dans la doctrine insufflée par le Saint-Siège, la vérité n’émane pas de la parole de femmes, la vérité c’est le message de Dieu relayée par des hommes qui réfutent tout jugement». Ce qui débouche sur la conclusion : «Tant que les prêtres règneront en maîtres sur les religieuses, elles demeureront des proies».

La ficelle est un peu grosse, mais noyée sous le flot de l’émotion légitime soulevée par la souffrance de ces femmes, le message distillé en commentaire voix off passe inaperçu et s’instille dans la conscience des croyants et, au-delà, dans l’opinion publique, en donnant une construction logique à l’ensemble de l’enquête.

UN SCANDALE DANS L’ÉGLISE, MAIS PAS DE L’ÉGLISE

Il y a un scandale dans toutes ces affaires qui touchent des hommes mais aussi des femmes d’Église (pensons à la supérieure qui organise en Afrique la «mise à disposition» payante de ses sœurs à des fins sexuelles), mais ce n’est pas le scandale de l’Église. Le péché des uns ne fait pas le péché de l’Église. Ce péché, certains veulent en faire un «scandale de la Foi». Pourquoi ?

Parce que l’Église enseigne à temps et à contretemps la vérité qui mène au véritable bonheur, à commencer par le bonheur naturel d’un agir conforme à la nature de l’homme. Ce message dérange, il remet en cause une liberté sans limite de l’homme qui se veut omnipotent. Lorsque les serviteurs consacrés de l’Église en donnent le contre-témoignage, il est tentant de jeter la pierre sur l’institution. Mais cette pierre est bien souvent une pierre de la colère qui se trompe de cible, car elle cherche à détruire l’Église et, avec elle, son message qui dérange et non le mal qui a été fait en son sein.

L’Église est un «mystère inépuisable» et non une multinationale complexe ou une ONG internationale. Elle est le corps du Christ et ne peut se résumer à son organisation, encore moins aux dysfonctionnements d’une institution humaine. Alors, ne soyons pas dupes et ne tombons pas dans le piège. Il faut savoir remercier les lanceurs d’alerte quand ils mettent au grand jour des situations scandaleuses qui ne peuvent perdurer, car elles bafouent la dignité de la personne.

Il faudrait aussi que ces derniers sachent reconnaître au passage que les hommes d’Église ne sont pas toujours restés sans rien faire dans ces situations douloureuses, même si les réponses apportées apparaissent après coup insuffisantes et du même coup dommageables. En tout état de cause, ces mesures ne sont pas celles de l’Église, mais celles d’hommes qui en exercent le gouvernement et, si elles doivent être jugées, c’est un jugement qui porte sur les hommes et non sur la réalité de l’Église.

AIMER ET SERVIR L’ÉGLISE

L’Église est le «bercail dont le Christ est l’entrée unique et nécessaire2». Elle est aussi «le troupeau dont Dieu a proclamé Lui-même à l’avance qu’Il en serait le pasteur». Elle est «le terrain de culture, le champ de Dieu» sur lequel pousse la Vigne véritable dont nous sommes les rameaux : c’est «par l’Église que nous demeurons en Christ3». Elle est «la construction de Dieu», dont «le Christ est la pierre angulaire4». Elle est «l’épouse de l’Agneau immaculé5». C’est cette réalité qui échappe à ses détracteurs, et qu’il convient d’aimer et de servir.

Alors, retroussons-nous les manches pour être des acteurs, pour participer à la prise de conscience, à la réforme, au soulagement véritable de la souffrance, sans perdre pour autant ni l’amour de l’Église ni la foi, car c’est bien ce que certains visent en instrumentalisant le péché de certains membres de l’Église.

Arte nous a donné un véritable sujet d’entrée en Carême : nous sommes invités à vivre ce temps de conversion en gardant chevillée en nous l’espérance qu’il nous mène à Pâques.

Jérôme de Lartigue – Jérôme Fouquet

Photo : Horst Pomplun / Wikimedia Commons


1 – La Vie du 5 mars 2019.

2 – Catéchisme de l’Église catholique 754.

3 – Ibid. 755.

4 – Ibid. 756.

5 – Ibid. 757.

Commentaires

  • Sans prétendre que ces turpitudes ne peuvent pas exister.
    Pourquoi sont-elles exposées en public, maintenant ?

    Ne pourrait-il s'agir...
    - d'un contrefeu visant à occulter les scandales de l'homosexualité active de quelques clercs ?
    - d'un préparation médiatique pour introduire un changement de la règle du célibat consacré ?

    De nos jours, hélas, la candeur devient lunaire.

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